En 1912 Serge Winogradsky, qui n’a que 56
ans, à l’abri des soucis financiers,
aigri par le manque de moyens accordés à
son institut suite aux restrictions budgétaires
dues à la guerre russo-japonaise de 1905,
mais aussi par des frictions avec son autorité
de tutelle qui souhaiterait plus de recherche dans
le domaine médical que dans le domaine de
la bactériologie du sol, prend sa retraite
et se retire en ses terres de Podolie où
il pratique une agriculture scientifique. La révolution
le force à s’exiler. Il trouve un asile
à Belgrade comme professeur de Chimie à
l’Institut agronomique dans la nouvelle Yougoslavie.
C’est
là qu’Emile Roux, directeur de l’Institut
Pasteur de Paris, réitère en 1920
son offre de collaboration. Serge Winogradsky qui
a repris goût à la recherche, peut
être aussi par nécessité financière,
s’installe dans une de ces donations que possède
l’Institut Pasteur. Il s’agit du domaine
de Brie-Comte Robert, qui tombait alors en ruine.
Serge Winogradsky s’y installe avec sa famille
– il y travaillera 25 ans en collaboration
avec sa fille cadette Hélène. Il fondera
un laboratoire des sciences du sol, plus particulièrement
axé sur l’écologie bactérienne
des sols. Il étudie entre autres la fixation
bactérienne de l’azote atmosphérique.
Il montre qu’un excès d’engrais
inhibe l’action bactérienne fixatrice
d’azote. Il découvre, décrit
et baptise de nombreuses espèces cellulolytiques
: Cellfalcicula, Cellvibrio, Cytophaga, ouvrant
ainsi le chemin à la compréhension
de l’humigénèse. Sa fille Hélène
publie en 1937 une étude sur les boues activées
de la station expérimentale de la ville de
Paris à Colombes. Elle met en évidence,
par culture sur le milieu Winogradsky au gel de
silice, la présence de bactéries nitrifiantes.
La
publication de ses œuvres complètes
est financièrement et moralement soutenue
par Selman Abraham Waksman, biologiste du sol, prix
Nobel de médecine pour la découverte
de la streptomycine, antibiotique extrait du genre
Streptomyces, bactérie du sol, Waksman était
originaire de Kiev, émigré aux USA
et grand admirateur de Winogradsky.
Serge Winogradsky meurt le 24 février 1953
à Brie-Comte Robert. Il avait 97 ans. Privé
de cette personnalité hors pair, le domaine
de l’Institut Pasteur à Brie Comte
Robert, où il a vécu et travaillé
près de trente ans, sera mis en vente.
L’apport
de Serge Winogradsky est considérable dans
la discipline de la bactériologie du sol,
dont il est le fondateur. Il a permis le développement
de l’agriculture moderne.
Il
a ouvert la voie au développement des procédés
biologiques d’épuration en donnant
l’explication exacte du mécanisme de
la nitrification et par conséquent les moyens
de la réaliser.
Ces
procédés, l’irrigation sur champ
d’épandage, l’infiltration des
eaux usées sur sable, les lits bactériens
de contact et par percolation, les boues activées
nitrifiantes, les biofiltres, les nombreuses variantes
et combinaisons des procédés précédents
réalisent tous la nitrification de l’ammoniaque
qui reste le critère de bon fonctionnement
d’une biomasse épuratrice et l’étape
indispensable avant la dénitrification, ultime
opération qui élimine l’azote
des eaux usées et les rend aptes à
rejoindre les cours d’eau naturels.
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